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17 février 2010

Une histoire de femmes

fille pharaon.jpg
La fille de pharaon présentant Moïse à son père

Oups, j'étais un peu surchargée pendant un mois ! Je ne vous ai pas oubliés, pour nous replonger dans la vie de Moïse, je vous propose de reprendre le récit du premier chapitre de l'Exode.

Le peuple des fils d'Israël est devenu trop nombreux et trop forts aux yeux des Egyptiens. Ceux-ci ont peurs qu'ils en viennent à être plus nombreux que les autochtones et finissent par s'emparer du pouvoir. Dans un discours démagogique, Pharaon prend une série de sages mesures pour que ce peuple cesse de se multiplier. L'affectation à des travaux pénibles pour des salaires misérables a pour but de limiter le nombre des naissances. Mais hier comme aujourd'hui, les pauvres sont plus féconds que les riches et  plus on voulait le réduire, plus il se multipliait.  Pharaon va donc établir une nouvelle mesure de contrôle des naissances. Pour éviter que les Egyptiens en aient les mains souillées, il demande aux sages-femmes hébraïques d'accomplir elles-mêmes l'extermination. Craignant Dieu, elles se refusent avec courage à une telle immoralité.

 Alors, Pharaon ordonne à son peuple. Tout garçon nouveau-né, jetez le au fleuve, mais toute fille laissez la vivre. Dans le contexte, il est clair que cette formule s'applique aux Israélites, néanmoins ils ne sont pas mentionnés directement ici. La bible laisse planer un double sens et dans un retournement de situation qui lui est propre, elle appliquera la formule aux Egyptiens quand  les hébreux quitteront l'Egypte, c'est la dixième plaie.

Le deuxième chapitre de l'Exode raconte comment des femmes se comportent face à cet ordre cruel. Une femme, fille de Levi tombe enceinte et engendre un fils. Au bout de trois mois, ne pouvant plus le cacher, elle le met dans une petite barque de papyrus qu'elle a rendu étanche avec du bitume puis, selon l'ordre du pharaon, elle va le placer sur la mer des roseaux. Une autre femme entre alors en scène, la sœur ainée qui va guetter pour voir ce qui arrive, puis c'est la fille de pharaon qui découvre l'enfant et qui comprend tout à fait : c'est un enfant des hébreux. La sœur de Moïse avec finesse, diplomatie et beaucoup d'aplomb, elle qui est esclave s'adressant à la fille de pharaon dit cette phrase admirable : Veux-tu que j'aille appeler une nourrice chez les femmes des hébreux ? Elle pourrait allaiter l'enfant pour toi. C'est ainsi que l'enfant retourne chez sa mère payée pour l'allaiter. Quand il a grandit, la fille du pharaon qui considère Moïse comme son fils, lui donne son nom. C'est pour la fille égyptienne un double acte d'opposition patriarcale : à son propre père et à l'ordre du pharaon !

Irmtraud Fischer, bibliste allemande renommée, dit : "Ce qu'on raconte ici est l'engagement au service de la vie de la part de femmes appartenant à des contextes humains très différents : sage-femme, mère et sœur, esclave et fille de roi. Les femmes initient une relation entre elles par-delà les frontières des générations et des peuples, par-delà les barrières sociales, et elles agissent solidaires pour réaliser un but : contre le décret porteur de mort, préserver la vie ... elles agissent suivant leur propre estimation, suivant leur propre critères éthiques. Toutes se décident de manière réfléchie pour la désobéissance civique." (cf. ici)

Bien évidemment, Grégoire de Nysse ne conserve pas cette couleur féminine dans son commentaire, car, à la suite du judaïsme alexandrin, il applique le thème de l'enfantement à la naissance des vertus ou des vices dans l'âme, naissance libre et toujours en devenir d'instant en instant : elle est le résultat d'un choix libre et nous sommes ainsi en un sens nos propres parents, nous créant nous-mêmes tels que nous voulons être et par notre volonté nous façonnant selon le modèle que nous choisissons, ou mâle ou femelle, par la vertu ou par le vice. Et bien sûr, les vertus sont mâles et les vices femelles ! C'est ce qui lui fera dire de sa sœur Macrine : on pouvait dire d'elle que c'était un homme puisqu'elle avait cultivé les vertus à leur plus haut degré de perfection.

Alors que le raisonnement de Grégoire de Nysse sur l'acquisition des vertus dans la voie de la sainteté est juste et évocateur, la symbolique utilisée est malheureuse et sera préjudiciable aux femmes. C'est pourtant l'attitude générale des pères de l'Eglise ... dont l'époque ignorait le raisonnement holistique et la complémentarité apportée par la relation.

Pour la défense de Grégoire, il faut que remarquer que la traduction de la septante qu'il a vraisemblablement utilisée traduit un pluriel "ils" là où l'hébreu dit "elle" : elle le cacha, elle le mit etc...

Cette belle histoire féminine de défense de la vie, qui prélude à toute éducation, méritait un détour.

13 janvier 2010

La communion pour Saint Hilaire

hilaire réssuscite un jeune enfant.JPGAujourd'hui l'Eglise fête la Saint Hilaire. En souvenir de l'année passée en sa compagnie, et pour faire mémoire de celui qui a été l'un des premiers à parler de communion,  je vous poste ce petit extrait.

Parce que le corps de l'Eglise est un, non point mélange confus des corps ni particuliers assemblés en un tas indistinct ou un amoncellement informe, mais par l'unité de la foi, par la communauté de charité, par la concorde des œuvres et d'une même volonté, par le don unique du sacrement de tous, nous sommes tous en un, Paul nous y exhorte en disant : je vous conjure, frères, ayez tous même sentiment, pratiquez la même charité. Il en fut ainsi au dire de l'Ecriture : la multitude des croyants n'avait qu'un seul cœur et une seule âme. Alors nous serons la cité de Dieu, alors nous serons la Jérusalem sainte...

Extrait d'une publication du diocèse de Poitiers.

Et bonne année...

06:43 Publié dans Moïse | Commentaires (0) | Tags : poitiers, christianisme, hilaire |  Facebook

27 décembre 2009

La corbeille de Moïse

Moïse sauvé des eaux-Nicolas Poussin.jpg

Je vous avais promis un article sur le coffre de Moïse.

Avec le tableau de Nicolas poussin, revenons à la naissance de Moïse. Celle-ci a lieu dans un contexte difficile : tous les nouveau-nés mâles doivent être mis à mort. Mais le but de Grégoire de Nysse est de nous proposer Moïse comme un modèle pour notre propre vie spirituelle et rien ne l'arrête. Il le dit lui-même :

"Mais cette difficulté apparente ne fait aucunement obstacle à ce que nous imitions Moïse dès le début."

Dans la lecture analogique de Grégoire, la naissance de Moïse va devenir le symbole de la naissance de chacun à la vie vertueuse, à la vie spirituelle. Et à l'origine de la vertu, il y a cette naissance libre mais cachée qui mécontente l'ennemi.

Le coffre représente alors l'éducation, qui va permettre à l'enfant de surnager sur le fleuve des agitations de la vie et des passions personnelles.

La naissance (à la vertu) est le résultat d'un choix libre et nous sommes ainsi en un sens nos propres parents, nous créant nous-mêmes tels que nous voulons être...

Chez les Pères de l'Eglise, l'emploi du même terme pour le coffre de Noé et la corbeille de Moïse permet une assimilation des deux dans un continuum de signification.

A partir du IVème siècle, la corbeille de Moïse devient dans la tradition chrétienne le symbole du baptême. Le catéchumène plongé dans le tourbillon des eaux de la mort en ressort en homme sauvé.  C'est ce que dit Grégoire de Nysse dans son homélie In diem luminum (en anglais ici). Mais dans cette homélie, il va encore plus loin, faisant de la corbeille de Moïse l'arche qui contient les tables de la loi.

Cette conception prévaudra dans tout le moyen-âge comme le fait remarquer Mary Carruthers dans le Livre de la mémoire. Elle y explique qu'une arca est aussi un coffre de bois où l'on rangeait les livres. Hugues de Saint Victor dans son traité sur l'arche de Noé " De arca Noe pro arca sapientae " passe dans une exégèse subtile de l'arche historique bâtie par Noé, à l'Eglise bâtie par le Christ pour arriver à l'arche de sagesse (arca sapientiae) que " la sagesse bâtit chaque jour dans nos cœurs par une méditation continuelle de la loi de Dieu ". Cette méditation n'étant autre que l'étape pendant laquelle la lecture est mémorisée et changée en expérience personnelle.

Curieusement, beaucoup de peintures d'Annonciation ont un coffre dans leur décor... Celle de Philippe de Champaigne étant vraiment suggestive.

annonciation-1644-philippe de champaigne.jpg

En ce temps de Nativité, que dire de Jésus "enveloppé et couché dans une mangeoire" ?

nativite-lorenzo lotto.jpg

06 décembre 2009

La bible et la vie de Moïse

Pour que nous puissions plus facilement nous repérer dans le texte du commentaire de Grégoire de Nysse, je l'ai partagé en séquences et j'ai mis les références bibliques en regard. Voici le début.

Grégoire de Nysse

Plan du commentaire

Bible

Chapitres 1 à 12

La naissance et l’enfance de Moïse

Exode 2, 1 - 10

Chapitres 13 à 18

La fuite au pays de Madian

Exode 2, 11 - 22

Chapitres 19 à 26

Le buisson ardent

Exode 3, 1 - 22

Chapitres 27 à 36

Le bâton et le serpent, la main

Exode 4, 1 - 9

Chapitres 37 à 41

La culture étrangère de sa femme

Exode 4, 18 - 26

Chapitres 42 à 53

Aaron

Ex 4, 10-17;27-31

Chapitres 54 à 62

Les premières tentations

Exode 5, 1 - 23

Chapitres 63 à 72

Introduction aux plaies d’Egypte

Exode 7, 8 - 25

Chapitres 73 à 88

L’endurcissement du cœur

Exode 7,26 - 10,24

Chapitres 89 à 101

La mort des premiers nés

Exode 11, 1 - 10 et

Exode 13, 1 - 16

Bonne lecture.

21 novembre 2009

Ce qu'on apprend dans la préface de la Vie de Moïse de Grégoire de Nysse

grégoire de Nysse.jpgCet ouvrage est le fruit de la maturité de Grégoire de Nysse. Il a été écrit alors que celui-ci était déjà âgé. En effet, il dit dans sa préface : " nous qui sommes établis sur tant d'âmes en place de père, nous avons pensé qu'il convenait à nos cheveux blancs d'accéder à la demande de ta vertueuse jeunesse ".

Grégoire écrit très certainement pour un jeune moine " Tu nous as donc demandé, tête chère, de te décrire en général ce qu'est la vie parfaite ".

C'est l'époque où notre auteur  est dégagé des controverses théologiques. Il s'occupe entièrement de la vie intérieure. Il va donner au monachisme, inauguré par sa sœur Macrine et organisé par son frère Basile, de solides bases mystiques. 

Sa doctrine spirituelle atteint une grande maîtrise. C'est alors qu'il développe l'idée de la perfection conçue comme un progrès sans fin et non pas comme un état  immobile à atteindre.

Si la perfection était un état fini, aussi élevé soit-il, cela impliquerait que Dieu est lui-même fini. Or comme cela est impossible, la vie parfaite est un mouvement d'états de perfection en états toujours plus grands.

C'est ce qui fait écrire à Saint Grégoire de Nysse que chacun de nous marche vers Dieu " de commencement en commencement par des commencements qui n'ont jamais de fin " (traité sur le Cantique des Cantiques).